04/01/2019 reseauinternational.net  58min #150365

 Etats-Unis et Colombie entendent rétablir «la démocratie» au Venezuela

Nicolás Maduro : « washington et Bogota maintiennent une politique permanente de terrorisme contre le Venezuela »

par Ignacio Ramonet

Au Venezuela, à la consternation des anti-Chavistes, 2018 s’est terminée par une nouvelle victoire du Président Nicolás Maduro. Sa formation politique, le Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV) et ses alliés du Grand Pôle Patriotique (GPP) ont remporté les élections municipales le 9 décembre. Déjà le 20 mai, les Vénézuéliens s’étaient prononcés démocratiquement en faveur de la réélection du président, dont le second mandat (2019-2025) débute le 10 janvier.

Si dans le domaine politique, le Chavisme, qui est au pouvoir depuis vingt ans, continue de bénéficier d’un soutien électoral majoritaire, en revanche, dans d’autres domaines, il rencontre des difficultés non négligeables.

Dans la vie quotidienne, par exemple, la guerre économique et les sanctions imposées par les États-Unis et leurs alliés ont créé une série d’inconvénients, dont une forte inflation, qui compliquent cruellement la vie des citoyens.

D’autre part, le harcèlement financier entrave également l’importation de denrées alimentaires, de médicaments et de pièces détachées. Et la corruption persistante aggrave la situation. Tout cela a parfois des répercutions dramatiques. Conséquence : beaucoup de gens sont mécontents. D’autres choisissent de quitter le pays.

Victime de ses erreurs, de ses excès et de ses propres luttes internes, l’opposition s’est montrée incapable de tirer parti de ce contexte social difficile. La Table de l’Unité Démocratique (TUD) s’est désintégrée et atomisée au point de devenir invisible et inaudible. Ses principaux dirigeants – tant ceux qui se sont installés à l’étranger que ceux qui sont restés au Venezuela – continuent de dénoncer la « dictature » et la « répression politique ». Mais ils manquent de crédibilité.

A ce panorama, déjà complexe, s’ajoute l’éternelle guerre médiatique contre la Révolution Bolivarienne qui met en scène pour le monde, avec les ingrédients horribles d’un scénario de film catastrophe, un prétendu « désastre vénézuélien ».

Le 26 septembre, à New York, devant l’Assemblée Générale de l’ONU, le Président Maduro a dénoncé en détail les différentes attaques d’une « agression internationale » contre son pays. Sans oublier de rappeler la tentative d’assassinat criminel qui a eu lieu à Caracas le 4 août dernier.

N’importe quel autre chef, face à une telle adversité, aurait cédé. Ce n’est pas le cas de Nicolás Maduro qui, une fois de plus, a fait preuve d’une résistance exceptionnelle. Pour faire face à la guerre économique, il surprend à nouveau ses adversaires par une triple offensive : il consolide la crypto monnaie Petro, lance le Bolivar souverain, et propose le programme Relance, Croissance et Prospérité Économiques.

D’autre part, malgré les difficultés, la Révolution Bolivarienne a continué d’atteindre ses objectifs de justice sociale : il y a quelques jours, elle a fini de délivrer la 2,5 millionième maison décente ; les Comités Locaux d’Approvisionnement et de Production (CLAP) fournissent des colis alimentaires de base à près de six millions de familles modestes ; les trois mille communes productives sont en passe d’être atteintes ; des progrès sont faits vers l’autonomie dans ces zones : En termes d’éducation, plus de 10 millions de personnes fréquentent les salles de classe et 75% d’entre elles le font dans des écoles publiques et gratuites, de l’école maternelle à l’université, dans un souci d’amélioration constante de la qualité de l’enseignement.

Sur la scène politique internationale, les autorités vénézuéliennes ont continué d’être confrontées à l’hostilité de Washington et de certains de ses alliés, en particulier les Européens. Ainsi que les attaques des gouvernements conservateurs latino-américains réunis au sein du Groupe de Lima.

D’autre part, l’attitude des différentes grandes puissances dont les chefs d’État ont exprimé leur solidarité avec la Révolution Bolivarienne a été très différente.

A cet égard, par exemple, le Président Maduro a été invité à se rendre en Chine en septembre dernier pour rencontrer le Président Xi Jinping. D’autre part, le Président vénézuélien a reçu à Caracas le Président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, en décembre, avec lequel il a établi une relation de grande confiance. Et ce même dernier mois de 2018, il a effectué un autre voyage important à Moscou où il a signé des accords importants avec le Président Vladimir Poutine. Confirmant ainsi que le Venezuela n’était pas isolé.

Je connais Nicolás Maduro depuis plus de dix ans lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères du Président Hugo Chávez. Il a été, par excellence, de 2006 à 2012, « le » chancelier de la Révolution Bolivarienne. Comme les mythiques Litvinov et Molotov pendant la Révolution Soviétique. Chu-Enlai de la Révolution Chinoise. Ou Raúl Roa de la Révolution Cubaine. Il est le grand stratège, avec le Commandant Chávez, de toutes les batailles gagnées sur le front diplomatique complexe.

Comme on le sait, Maduro était un leader étudiant de premier plan et un dirigeant syndical légendaire. C’est aussi un homme de grande culture, avec trois passions : l’histoire, la musique et le cinéma. Il a dirigé pendant des années le principal ciné-club de Caracas, et sa connaissance cinéphile est d’une ampleur et d’une finesse impressionnantes.

Grâce à son intelligence politique, il a toujours exercé une réelle fascination sur son environnement. « C’est un cerveau éveillé » disent ses amis pour souligner la vitesse de son esprit. C’est pourquoi, sans aucun doute, le Commandant Chávez, à sa sortie de prison en 1994, n’a pas hésité à le choisir comme l’un des rares membres non militaires de son cercle le plus intime. Et il l’a accompagné dans la conquête démocratique du pouvoir.

Je peux témoigner de la profonde affection et de la confiance que le Commandant Chávez lui a témoignées. Je n’ai donc pas été surpris que le 8 décembre 2012, dans son dernier discours public, avant de subir une intervention chirurgicale qui serait tragique, le fondateur de la Révolution Bolivarienne ait défini Maduro, parmi plusieurs jeunes et brillants leaders chavistes, comme le plus capable :

« C’est un révolutionnaire digne de ce nom. Un homme de grande expérience malgré sa jeunesse. Avec un grand dévouement pour le travail. Avec une grande capacité pour mener un groupe et pour gérer les situations les plus difficiles sur les différents fronts de bataille« .

Enfin, le Commandant Éternel l’a désigné au peuple comme son successeur avec ces mots typiquement chavistes et inoubliables :

« Ma ferme opinion. Pleine comme la pleine lune. Irrévocable. Absolue. Totale. C’est que – si je ne peux pas me présenter -, vous élisiez Nicolás Maduro à la présidence de la République Bolivarienne du Venezuela. Je vous le demande de tout mon cœur. Il est l’un des jeunes leaders les plus capables de continuer à diriger – avec le peuple et subordonné aux intérêts du peuple – les destinées de ce pays à la tête de la Présidence de la République. Avec sa main ferme. Avec son regard. Avec le cœur d’un homme du peuple. Avec ses qualités relationnelles. Avec son intelligence. Avec votre leadership. Et avec la reconnaissance internationale qu’il a acquise« .

Avant de m’asseoir dans son bureau du Palais Miraflores à Caracas pour cet entretien, le Président Maduro m’invite à l’accompagner à une cérémonie publique pour la remise de logements sociaux. L’appartement numéro 2,5 millions, subventionné par l’État, sera délivré… Les bâtiments, construits en collaboration avec une société chinoise, sont situés près de la paroisse de Caracas de El Valle, une paroisse de classe moyenne, dans la rue où le président est né et a grandi.

La population présente, peu nombreuse, accueille le Président avec des manifestations bruyantes de joie et d’affection. Maduro porte une guayabera blanche avec un collier aux couleurs du drapeau vénézuélien. D’une élégance naturelle, d’une stature imposante -il mesure plus de 1,90m- c’est un homme calme, affable, serein, doté d’un sens de l’humour très fin.

Dans son bref discours, il dénonce « l’indolence » de nombre de ses propres collaborateurs au sein du gouvernement ou des administrations locales. Les citoyens présents applaudissent avec enthousiasme ces critiques. Et ils l’acclament chaleureusement quand le Président dénonce la corruption et qu’il a l’intention de la punir sans distinction.

Il alterne les commentaires affables, presque personnels, adressés à certaines familles (dont un jeune couple de malentendants et leur bébé) qui reçoivent les clés de leur nouvel appartement, et les réflexions profondes sur la politique économique nationale ou les relations internationales. Un peu comme le Commandant Hugo Chavez. Il va du personnel au collectif, du concret au général, de la pratique à la théorie. Toujours donner pédagogiquement une impression de légèreté pour ne jamais être lourd.

Le lendemain, 27 décembre, nous nous sommes rencontrés dans son bureau de travail au palais du gouvernement. Exactement dans la même pièce où Chávez, il y a presque six ans, a désigné Maduro comme son disciple. Nous nous sommes salués et, pendant que les équipes finissaient de préparer le décor, nous nous sommes promenés dans la cour et les magnifiques jardins intérieurs de Miraflores, sobrement décorés avec des décorations de Noël.

Aujourd’hui, le Président porte une élégante chemise bleu foncé. Bien qu’il s’agisse d’une interview pour la presse écrite, des photos de notre rencontre seront prises et certaines des réponses seront filmées en vidéo. Comme d’habitude avec lui, il a mis sous son bras un paquet de livres qu’il place sur la table qui nous sépare. Tout est prêt. Puis, sans plus attendre, nous commençons.

***

IR : Bonjour, monsieur le Président. Merci de nous recevoir. Dans cet entretien, nous aborderons essentiellement trois thèmes : la politique, l’économie et les affaires internationales.

Commençons par la politique : le principal événement politique de 2018 a peut-être été votre réélection, aux élections du 20 mai, avec plus de six millions de voix obtenues et plus de 40% de différence avec le principal candidat de l’opposition Henri Falcón : comment expliquez-vous – dans un contexte aussi difficile pour les citoyens, créé par la guerre économique et les sanctions financières imposées par Washington – que les électeurs vous aient accordé, pour la deuxième fois, ce soutien massif ?

Nicolás Maduro : En effet, le peuple vénézuélien a donné à la Révolution Bolivarienne, au Chavisme – qui est une véritable force politique et sociale qui existe dans les rues, dans les quartiers, dans les campagnes, dans les villes et les villages – et, je dois dire avec humilité, à ma candidature – en termes de pourcentage – le meilleur soutien qu’un candidat ait jamais obtenu lors des élections présidentielles au Venezuela.

Nous constations déjà – après la victoire de la paix avec l’élection constituante de juillet 2017- un redressement soutenu de nos forces, un renforcement de l’unité révolutionnaire – nous avons reçu le soutien de tous les partis du Grand Pôle Patriotique et d’un nombre infini de mouvements sociaux -, et une croissance organisée de notre Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV), qui est le parti politique ayant le plus grand nombre de partis affiliés dans l’Amérique Latine.

Ce bon résultat s’explique aussi, j’ose le dire, par la maturité et la sagesse dont a fait preuve notre peuple au milieu de l’agression la plus brutale que nous ayons connue depuis notre guerre d’indépendance. Notre peuple a grandi, il a grandi en conscience, en force organisée, en patriotisme, face à la guerre psychologique et à la guerre économique illégale et illégitime perpétrée par l’empire américain avec ses gouvernements satellites de ce continent et d’Europe, pour essayer de nous faire plier. Le résultat de cette hostilité a été l’entêtement dont ont fait preuve les citoyens dans leur détermination à rester libres, indépendants et souverains.

Et un autre facteur fondamental et déterminant, Ramonet, c’est que la Révolution Bolivarienne a répondu, en dépit des difficultés et du harcèlement économique et financier, aux besoins de la société vénézuélienne. Pas une seule école n’a fermé ses portes ici, pas une seule université. Au contraire, le nombre d’élèves dans l’enseignement public a augmenté. Ici, nous continuons à prendre soin de la santé de toute la ville gratuitement. Nous avons protégé, avec force et détermination, les salaires et l’emploi de tous les hommes et de toutes les femmes. Et toutes les trois semaines environ, nous apportons la nourriture de base, les fameuses « boîtes CLAP », à quelque six millions de foyers au Venezuela ; nous les livrons directement chez eux.

Sur les murs de Caracas, on peut lire des inscriptions, des graffitis, qui peuvent résumer ce que j’ai dit : « Je vote pour ceux qui augmentent mon salaire, pas pour ceux qui rendent les produits plus chers« . C’est peut-être ce qui explique pourquoi la Révolution Bolivarienne est aujourd’hui plus robuste, plus vivante et fusionnée en un seul effort constructif que jamais auparavant.

IR : Dans quelques jours, le 10 janvier 2019, votre nouveau mandat présidentiel de six ans commence. Certains gouvernements qui n’ont pas reconnu les résultats des élections présidentielles du 20 mai menacent de ne pas vous reconnaître en tant que Président constitutionnel du Venezuela, que leur dites-vous ?

Nicolás Maduro : Tout d’abord, le Venezuela est un pays qui a forgé, au cours de son histoire, son identité, son caractère républicain, son indépendance. Et le Venezuela est régi par une Constitution qui est la plus démocratique de toute notre histoire. Approuvée par notre peuple il y a dix-neuf ans par référendum. Et cette Constitution a été accomplie impeccablement au cours de ces dix-neuf années.

En 2018, nous avons eu deux élections totalement transparentes, organisées par les institutions électorales du pays. Je dois rappeler que le pouvoir électoral, au Venezuela, est un pouvoir public, le cinquième pouvoir public. Et ce pouvoir utilisait toute sa logistique, ses systèmes électroniques du plus haut niveau de transparence. Reconnu par des personnalités internationales de prestige indiscutable comme [l’ancien Président américain] Jimmy Carter, qui affirmait à l’époque que « le système électoral vénézuélien était le plus transparent et le plus soigné qui ait été vu dans le monde, le plus parfait ».

Les élections présidentielles du 20 mai 2018 se sont déroulées sous le contrôle d’observateurs nationaux et internationaux. Et notre peuple a pris une décision. Les décisions concernant le Venezuela ne sont pas prises par des gouvernements étrangers. Nous ne sommes pas un pays exploité, sous la tutelle d’un empire. Ni par l’empire du Nord, ni par ses satellites en Amérique Latine et dans les Caraïbes, ni par l’Europe. Au Venezuela, le peuple gouverne et gouverne souverainement. Et le peuple a pris une décision très claire et très énergique : pour la première fois, nous avons obtenu 68% des voix… Vous l’avez souligné : plus de quatre millions de voix de différence avec le principal candidat de l’opposition.

Donc, le peuple a décidé. Et nous allons nous conformer à la décision du peuple. Il n’est pas possible qu’un gouvernement étranger dise le moindre mot pour reconnaître ou ignorer la légitimité constitutionnelle et démocratique du gouvernement que je présiderai du 10 janvier 2019 au 10 janvier 2025. J’ai le plan, le projet, l’expérience, la force. Je compte sur le peuple, sur l’union civilo-militaire. Et surtout : avec la légitimité constitutionnelle qui est la plus importante.

Permettez-moi de répéter que les pressions et les agressions de l’empire américain et de ses gouvernements satellites ne signifient rien pour la voix de notre peuple. Notre démocratie possède une véritable force qui s’est exprimée dans 25 élections au cours des vingt dernières années… Il convient de noter qu’en vingt ans de la Révolution Bolivarienne, il y a eu presque trois fois plus d’élections que par exemple, aux États-Unis pendant la même période…

Lors de la campagne électorale d’avril et mai 2018, qui a duré vingt et un jours, je me suis rendu plusieurs fois dans les vingt-trois États du Venezuela. Et aux gens qui remplissaient les rues et les avenues, je demandais : « Qui élit le président au Venezuela ? Washington ou Caracas ? Miami ou Maracaibo ? » Et la réponse énergique de tout le peuple, y compris celle de ceux qui votent pour l’opposition, était que nous avions le droit inaliénable de choisir nos gouverneurs. Rien ni personne ne changera ce droit élémentaire et sacré.

À quiconque s’en inquiète, nous disons que le Venezuela a une longue tradition de non-ingérence dans les affaires des autres États. La Révolution Bolivarienne a fait preuve de solidarité avec tous les pays de notre continent et du monde s’ils en ont eu besoin face à des catastrophes naturelles ou autres. Le moins que nous puissions exiger est la réciprocité. Que nous soyons respectés tant que nous serons souverains et indépendants.

IR : Bien que vous n’ayez pas cessé de faire appel au dialogue démocratique, le groupe d’opposition le plus important – réuni au sein de la Table pour l’Unité Démocratique (MUD) – a décidé de ne pas participer aux élections du 20 mai. Que pensez-vous de cette opposition ?

Nicolas Maduro : J’ai appelé l’opposition vénézuélienne au dialogue politique à plus de trois cents reprises… Sans parler du dialogue permanent que mon gouvernement entretient avec le secteur privé et la société en général. Ce dialogue n’a pas cherché à convaincre qui que ce soit de suivre notre modèle. Nous comprenons que nous avons des façons très différentes de voir la vie. Notre engagement a toujours été de renforcer la coexistence politique pacifique des forces politiques du Venezuela.

Mais tous ces efforts de dialogue ont été boycottés par l’ambassade des États-Unis au Venezuela. Les visites effectuées par le chargé d’affaires de l’ambassade des États-Unis, maison par maison, à chacun des pré-candidats de l’opposition pour les forcer à ne pas participer à l’élection présidentielle du 20 mai sont connues. Il a réussi à convaincre presque tout le monde, à deux exceptions près (Henry Falcón et Javier Bertucci) qui ont participé.

Vous ne savez pas à quel point je serais heureux si nous pouvions avoir une opposition au Venezuela qui reste attachée à la politique, qui s’éloigne des conspirations et des coups d’État, qui défend une voix qui lui est propre. Et pas la voix autoritaire de l’ambassade américaine.

IR : Dans le cadre de la Révolution Bolivarienne, quel est l’espace politique dont dispose l’opposition ? En d’autres termes, la Révolution accepterait-elle que l’opposition remporte une élection présidentielle ?

Nicolás Maduro : L’opposition au Venezuela a toutes les garanties que la Constitution établit pour le libre exercice de la politique. Et je dirai plus, sur les vingt-cinq élections qui ont eu lieu au Venezuela en 20 ans, nous en avons gagné vingt-trois, il est vrai, mais nous en avons perdu deux : la réforme constitutionnelle de 2007 et les réformes législatives de 2015. Lorsque nous avons perdu, nous avons immédiatement reconnu notre défaite, quelques minutes après que le Conseil électoral ait publié son bulletin. Chávez en 2007 et moi en 2015, j’ai reconnu le résultat et appelé le peuple à le respecter dans la paix.

J’ai présenté mon message à la nation en janvier 2016 devant l’Assemblée Nationale avec une majorité de l’opposition, présidée par le chef de l’opposition Henry Ramos Allup. Et quelle a été la réponse de la droite, emballée par sa victoire électorale ? Dire que je serais destitué du pouvoir dans six mois, en violation de la Constitution et du mandat électoral donné par le peuple.

Vous pouvez voir les conséquences de leurs actions : nous avons maintenant une opposition fragmentée, divisée, qui se déteste les uns les autres, et dont la force politique a considérablement diminué. J’entends par là que nous avons toujours reconnu tous les résultats des élections, quand nous avons gagné et quand nous avons perdu. L’opposition a exercé le pouvoir régional et local lors des élections municipales qu’elle a gagnées. Soit dit en passant, avec le même système électoral automatisé que le Venezuela a depuis 2004.

Le problème, c’est qu’ils ne reconnaissent les décisions électorales que lorsqu’ils gagnent… Ils n’ont pas reconnu le résultat du référendum révocatoire de 2004, et celui que Chávez a gagné avec 20 points de différence. Pas plus que l’élection présidentielle de 2006, où Chavez l’a emporté avec 23 points d’écart. Ni ma victoire en 2014, ni ma victoire en mai 2018.

IR : Vous avez décrit plusieurs fois certaines forces d’opposition comme des « putschistes », et le 4 août vous avez été victime d’une tentative d’assassinat spectaculaire avec des drones chargés d’explosifs, que pouvez-vous nous dire sur cette attaque ?

Nicolás Maduro : En effet, le 4 août 2018, nous avons vécu ce que je n’aurais jamais cru possible : une attaque terroriste utilisant la plus haute technologie pour me tuer. Et plus que de me tuer en tant qu’être humain, il s’agissait de mettre fin à la Présidence de la République et aux pouvoirs de l’État. C’était une attaque vraiment terrible. Grâce aux mécanismes de sécurité technologique dont nous disposons, nous avons pu en partie neutraliser cette attaque.

Ils ont utilisé des drones. Un drone a survolé la plate-forme sur laquelle j’étais et est venu se tenir devant moi lorsque je prononçais le discours principal. Puis il s’est approché mais a été neutralisé par notre technologie. S’il avait explosé là où les criminels le voulaient, elle aurait causé beaucoup de sang, de douleur et de mort.

Et il y avait un deuxième drone qui, heureusement, a été désorienté à cause de notre technologie de protection. Et il a explosé… C’était le drone le plus puissant parce qu’il transportait une charge de C-4, un explosif plastique pour la guerre. Ce drone a explosé dans un immeuble d’habitation tout près du rez-de-chaussée. Il a créé un trou géant dans le mur extérieur de l’immeuble et a même incendié un appartement. La mission de ce drone était de terminer, par le haut, le travail du premier drone une fois qu’il aurait détruit la plate-forme principale.

Nous avions la capacité – avec le peuple vénézuélien, avec les forces de sécurité et de renseignement, avec la police – de capturer immédiatement les coupables. Puis nous avons capturé les autres auteurs, et ceux qui ont organisé l’attentat. Et nous avons pu établir l’identité des responsables de l’attaque.

L’attentat a été ordonné à Bogota par le Président Juan Manuel Santos, dont le mandat a curieusement pris fin trois jours après l’attentat terroriste du 7 août… Avec la participation directe de l’ancien député Julio Borges, leader de l’opposition vénézuélienne. Toute l’attaque a été préparée depuis la Colombie. Tous les opérateurs directs des drones ont été formés en Colombie. Les drones et leurs explosifs ont été préparés en Colombie. Sous la direction du gouvernement du président Juan Manuel Santos.

Ils en ont entendu parler à la Maison Blanche à Washington. Je n’en doute pas. Derrière cette attaque, il y avait un « oui », un « ok » de la Maison Blanche. Nous savons déjà que John Bolton, l’actuel conseiller du Président Donald Trump en matière de sécurité nationale, dirige des plans pour m’assassiner. Je l’ai dénoncé. Bolton était au courant de cette attaque. Et il a donné son « accord » pour être exécutée. Washington et Bogota mènent une politique permanente de terrorisme contre nous.

C’est pourquoi ils m’accusent d’être un « dictateur »… Quand ils accusent un leader progressiste d’être un « dictateur » et de faire une telle campagne mondiale si bestiale… et la droite comme l’extrême droite dans le monde reprennent l’accusation de « dictateur » contre moi, un dirigeant syndical, un homme du peuple, issu des luttes des quartiers de Caracas, des luttes de mouvements étudiants, des débats parlementaires, issu du front diplomatique… Quand quelqu’un comme moi est accusé d’être un « dictateur », et le Venezuela d’être une « dictature », c’est pour justifier quelque chose contre notre pays. Il y a une conspiration permanente de l’oligarchie colombienne et de l’empire américain contre la Révolution Bolivarienne.

Je dis que Dieu m’a sauvé de cette attaque. Il a établi un manteau protecteur autour de moi. J’ai aussi été sauvé par la Vierge de Chinita, miraculeuse, patronne de la Garde Nationale Bolivarienne. Quoi qu’il en soit, nous sommes ici, très engagés, prêts à continuer. Évidemment avec des mesures de sécurité spéciales pour que les fins criminelles de ces personnes ne se réalisent jamais.

IR : À plusieurs reprises, le Président Chávez et vous-même avez parlé de la nécessité d’une opposition démocratique qui abandonne la politique du coup d’État et sa subordination à une puissance étrangère, estimez-vous que, en 2018, il y a eu des progrès dans cette direction ?

Nicolás Maduro : Au Venezuela, l’opposition, le bloc d’opposition, le MUD, s’est malheureusement désintégré. Et je suis convaincu que la cause principale de cet effondrement est sa dépendance vis-à-vis des politiques de Washington et de Bogota. Ce n’est pas une opposition nationale, elle n’a pas de politique fondée sur des intérêts nationaux, une pensée ou une doctrine nationale. C’est une opposition financée, entretenue et dirigée directement – comme s’il s’agissait de drones télécommandés – depuis Washington et Bogotá. Et cela a désintégré l’opposition parce qu’elle ne pense pas avec sa propre tête. Elle n’a pas la capacité de prendre des décisions.

Il suffit de voir le spectacle lamentable qu’ils ont donné lors du dernier processus du Dialogue National, lorsque l’inscription des candidats aux élections présidentielles du 20 mai 2018 a été proposée. Ils n’ont fait qu’écouter l’appel des forces internationales de la droite et de l’impérialisme américain. C’est malheureux. Parce que le Venezuela a besoin d’une opposition politique. J’ai appelé au dialogue des centaines de fois. Et je reste ferme : quiconque dans l’opposition qui veut dialoguer me trouvera les bras ouverts, l’esprit ouvert, prêt à dialoguer sur l’avenir du pays.

Je suis profondément convaincu que, tôt ou tard, un dialogue politique diversifié sera établi au Venezuela, avec toutes les forces idéologiques de cette opposition. J’ai cette foi. Et je vais travailler dans ce sens. Pour qu’au Venezuela, en 2019, il y ait un dialogue politique fructueux qui nous permette de reconstruire une opposition authentique dont notre pays a besoin pour avoir la paix, pour avoir la tranquillité et avoir une démocratie diversifiée, c’est ce dont nous avons besoin.

IR : Plusieurs leaders de l’opposition ont lancé une campagne internationale de diffamation contre votre gouvernement, l’accusant de l’existence de « prisonniers politiques ». Comment jugez-vous ces critiques graves ?

Nicolás Maduro : Écoutez, il y a des gens ici qui, parce qu’ils sont accusés d’avoir commis un crime, par exemple d’être impliqués dans des coups d’État ou des tentatives de coups d’État militaires, ou même d’assassinat, comme celui dont nous avons parlé le 4 août dernier, doivent être traduits en justice. Qu’ils soient politiciens ou non. Il ne faut pas confondre un politicien prisonnier avec un prisonnier politique. C’est le cas au Venezuela et dans tous les pays du monde.

Imaginez un instant qu’un acteur politique – un député, un maire, un conseiller municipal, un ancien ministre – tente d’assassiner le Président de la République française ou de perpétrer un coup d’État contre le Président espagnol, quelle serait la réponse juridique qu’il recevrait des tribunaux de ces États ? Eh bien, au Venezuela, il y a une règle de droit qui doit être respectée par tous.

En outre, à la suite du dialogue avec l’opposition en 2017, une Commission de la Vérité nommée par l’Assemblée Nationale Constituante a accordé des mesures de substitution généreuses et des avantages à presque tous les accusés qui avaient agi contre la Constitution et les lois, du coup d’État de 2002 aux actions violentes – les « guarimbas » – de 2014 et 2017, sauf ceux qui avaient commis des crimes graves, comme l’homicide ou le trafic de drogue.

IR : Au Venezuela, il y a actuellement deux assemblées législatives. D’une part, l’Assemblée Nationale est issue des élections de 2016 et dominée par l’opposition mais que la Cour suprême a déclarée « outrageante ». D’autre part, l’Assemblée Nationale Constituante, issue des élections du 30 juillet 2017 et dominée par le parti au pouvoir mais que plusieurs puissances internationales ne reconnaissent pas, comment pensez-vous que cette situation puisse être réglée ?

Nicolás Maduro : Ce sont vraiment deux figures de la représentation populaire clairement établies dans la Constitution et avec des fonctions spécifiques également contenues dans la lettre constitutionnelle.

D’une part, le pouvoir législatif, qui a transgressé de manière flagrante une disposition de la plus haute juridiction de la République, obligeant cette juridiction à une action de sauvegarde constitutionnelle qui est surmontée au moment même où l’Assemblée Nationale devient habilitée et se conforme à la décision de la chambre constitutionnelle.

D’autre part, à la suite de l’initiative que m’a conférée la Constitution dans son article 348, j’ai appelé à l’élection de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) par le vote du peuple, dans un contexte où la droite avait plongé des secteurs du pays dans une grave violence meurtrière, avec plus de 130 morts, des personnes brûlées vives du fait de leur couleur de peau, des enfants incités à agir avec violence sous l’effet des drogues… Bref une situation très regrettable et pénible. Le choix de l’ANC était sage et bénéfique. Il a apporté la paix au pays.

Dans des circonstances identiques, je le referais. Je vous l’assure. Et maintenant, l’ANC remplit la fonction constitutionnelle établie de transformer l’État, de créer un nouveau système juridique et de rédiger une nouvelle Constitution.

IR : Eh bien, passons à certaines questions économiques dans une deuxième partie.

Une fois le scénario de violence politique surmonté, la bataille économique et en particulier la lutte contre l’inflation sont présentées comme les principales priorités nationales pour 2019. Quel bilan tirez-vous du « Plan Relance, croissance et prospérité économiques » lancé le 20 août dernier et quelles sont les perspectives pour 2019 ?

Nicolás Maduro : Je pense que la principale réalisation du Programme de relance, de croissance et de prospérité économiques est que nous contrôlons déjà ce qui est un plan de croissance et de relance. Nous avons les rênes de la protection de l’emploi, de la protection du revenu des travailleurs. Nous avons les rênes de la croissance organisée dans les secteurs clés de l’économie.

Et nous sommes dans de meilleures conditions pour faire face à la bataille sanglante et très dure contre les sanctions internationales qui ont fait perdre au Venezuela au moins 20 milliards de dollars en 2018 seulement… Ce sont des pertes colossales. Elles nous empêchent d’acheter n’importe quel produit dans le monde : nourriture, médicaments, intrants… C’est une persécution sauvage, un harcèlement criminel qui est fait contre le Venezuela.

Sans parler du blocus financier… qui est plus qu’un blocus… Parce que, quand ils veulent te bloquer, ils te mettent une barrière, et tu ne peux pas passer outre… Mais ce qu’ils font est plus qu’un blocus, c’est une véritable persécution… Une persécution des comptes bancaires, du commerce que fait le Venezuela dans le monde…

Par exemple, Euroclear (l’un des plus grands systèmes de compensation et de liquidation de valeurs financières au monde, dont le siège est à Bruxelles) nous a soustrait, en 2018, 1,4 milliard d’euros que nous avions déjà engagés pour acheter médicaments, des intrants et de la nourriture. Et personne ne réagit. Nous l’avons dénoncé aux Nations Unies, devant le Secrétaire Général de l’ONU. Je l’ai dénoncé aux différentes organisations internationales… Et personne ne dit rien.

Nous devons donc lutter pour nous libérer, pour devenir indépendants de toutes ces persécutions et de ce blocus. Et cela ne peut se faire que par la production de richesses.

Je suis très déterminé dans l’élévation de la production pétrolière, dans l’élévation de la capacité du Venezuela en pétrochimie, dans la production d’or, de diamants, de coltan… Dans l’élévation de la production de fer, acier, aluminium, etc.

Les richesses abondantes que possède le Venezuela et qui, quelle que soit la persécution internationale décrétée par les États-Unis d’Amérique, sont des matières premières qui ont un marché international sans aucune restriction.

Je dois ajouter que les attaques contre nous sont constantes, impitoyables et de toutes sortes. Et elles ne sont pas seulement économiques. Par exemple, maintenant, avec les célébrations de fin d’année, des dizaines de commandos terroristes spécialisés dans le sabotage électrique sont arrivés de l’extérieur et ont traversé la frontière. Ils volent des transformateurs, coupent des câbles haute tension, dynamitent les centrales électriques… Ils laissent des quartiers entiers, parfois des villes entières, sans lumière, sans énergie pour les industries, congélateurs, transports, hôpitaux… Ils mettent des vies en danger… Ils ternissent les fêtes de milliers de familles.

D’autres commandos s’infiltrent avec pour consigne de provoquer des coupures dans la distribution d’eau. Ils détruisent les canalisations, sabotent les aqueducs, provoquent des coupures d’eau… Ils compliquent la vie quotidienne de centaines de familles. D’autres terroristes sabotent les transports en commun… D’autres se spécialisent pour faire disparaître l’argent papier qui est transporté massivement en Colombie…

Ce sont des actes criminels que nous appelons « terroristes ». Nos forces de sécurité sont déployées dans tout le pays et sont de plus en plus efficaces chaque jour… Ils ont déjà arrêté des dizaines de ces commandos mercenaires. Mais ils continuent à venir parce que les ressources de nos ennemis sont infinies….

Et je dois dire, avec admiration, que le peuple vénézuélien fait face à toutes ces agressions avec une conscience politique étonnante. Très déterminés à résister, avec l’appui résolu de nos forces de sécurité, à de telles attaques lâches.

C’est pourquoi je dis que le peuple vénézuélien est victime d’une persécution féroce que j’ai comparée, j’ai osé comparer, avec la persécution d’Hitler contre les Juifs, avec l’autorisation de la communauté juive mondiale. Ils nous pourchassent sans merci. Nous sommes assiégés. Ils nous harcèlent depuis les États-Unis avec obsession, avec sadisme, et ils veulent causer des dégâts économiques pour nous étouffer, nous étrangler, nous vaincre.

Ils n’ont pas réussi. Ils ne vont pas s’en sortir. Et je crois qu’avec ce programme de relance, de croissance et de prospérité économiques, en 2019, il y aura de grandes et très bonnes surprises autour de l’augmentation de la production et de la création de richesses diverses pour le pays et pour la population. Notre économie va certainement décoller grâce à la maîtrise de l’inflation et des éléments qui ont perturbé la vie des Vénézuéliens ces dernières années.

IR : Selon nos informations, la production pétrolière vénézuélienne est d’environ 1.200.000 barils par jour, soit une production non optimale, quelle est la situation réelle de la compagnie Petróleos de Venezuela SA (PDVSA) ?

Nicolás Maduro : Nous nous sommes lancés dans un processus – et mon gouvernement a insisté sur ce point – de défense des prix internationaux du pétrole. Malgré le fait que l’une des formes d’agression multiforme contre les économies de la Russie, de l’Iran et du Venezuela – pour ne citer que quelques-uns des grands exportateurs – est la manipulation de formes dangereuses de production, ce que l’on appelle la fragmentation du pétrole de schiste, et la spéculation financière dans les contrats futurs, afin de faire baisser artificiellement les prix.

Nous cherchons et défendons un prix d’équilibre qui favorise les producteurs et les consommateurs. Et nous continuerons de le faire dans le cadre de l’accord entre les pays producteurs de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) et les pays non membres de l’OPEP.

Sur votre question spécifique, j’avoue : il est vrai que le Venezuela produit moins de pétrole qu’il ne le devrait, et c’est l’une de mes plus grandes préoccupations. Malheureusement, au cœur de PDVSA, de véritables mafias se sont installées. La maudite corruption qui, comme le cancer, a sapé notre force et nous a empêchés d’augmenter notre production pétrolière. Nous les avons affrontés avec dynamisme, avec détermination.

Nous avons mis à la disposition de la justice et avons poursuivi plusieurs dirigeants et hauts fonctionnaires corrompus qui ont trahi notre confiance, leur parole d’honneur et leur loyauté pour devenir de simples voleurs.

Je suis sûr que 2019 sera l’année de la reprise de la production pétrolière, avec l’aide de la PDVSA et des entreprises privées qui, par la formation de coentreprises et de contrats de service, produisent déjà et accélèrent cet effort.

IR : Que dites-vous aux médias internationaux qui font campagne contre votre gouvernement en parlant d’un « manque chronique » de produits alimentaires de base, d’une « pénurie » de médicaments de base, et qui dénoncent une « crise humanitaire » ?

Nicolás Maduro : La réalité de la campagne psychologique et médiatique brutale et infâme des centres impériaux contre le Venezuela et contre les Vénézuéliens a été démontrée par des investigateurs sérieux. Ils veulent briser notre moral et notre détermination inébranlable à être indépendants et libres.

De toutes les nouvelles publiées sur le Venezuela dans les médias américains et européens, 98% sont des nouvelles négatives. Quatre-vingt-dix-huit pour cent ! Une barbarie. Ils ne disent pas – comme je l’ai souligné – que six millions de ménages vénézuéliens reçoivent toutes les trois semaines chez eux, presque gratuitement, la nourriture essentielle pour la famille… Ils font taire le fait que nous garantissons la nourriture pour la population, comme le reconnaissent des organisations multilatérales comme l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Ils ne mentionnent pas qu’au cours des semaines qui ont précédé les festivités, notre gouvernement a distribué quelque 14 millions de jouets à des enfants de familles humbles… Ils ne disent pas que nous avons livré – vous en avez été en partie témoin hier – deux millions et demi de logements sociaux… Dans quel autre pays cela a-t-il été fait ?…

Ils cachent le fait que nous sommes confrontés à une guerre économique très dure et à un blocus promu par l’empire américain et certains pays européens. Ils omettent d’indiquer que presque toute la population du Venezuela a accès à des soins médicaux gratuits et de qualité. Il n’y a pas un coin du Venezuela qui n’attire pas l’attention de nos médecins de la mission Barrio Adentro. Ils ne disent pas – comme je l’ai également souligné – que tout le monde a accès à une éducation gratuite et de qualité, de l’école maternelle à l’université et aux études supérieures. D’ailleurs, en 2018, le taux de scolarisation dans toutes les écoles du Venezuela a augmenté…. Ne trouvez-vous pas étrange, Ramonet, que nous ayons réussi à augmenter le taux de scolarisation dans ce contexte supposé « catastrophique » qu’ils tentent de répandre ?

La réponse à ces mensonges a déjà été suggérée, en 2015, par John Kelly (actuel chef de cabinet du président Donald Trump ; ancien Secrétaire à la Sécurité Nationale. En 2015, il était commandant du U.S. Southern Command quand il a fait remarquer que Washington « interviendrait » au Venezuela en cas de « crise humanitaire ».

Nous ne nions pas les problèmes de notre pays. Au contraire, nous les affrontons, nous en discutons avec notre peuple et nous sommes déterminés à les résoudre. Si les États-Unis veulent nous aider, ils pourraient commencer par ne pas être hypocrites. Ils pourraient libérer les ressources qu’Euroclear nous a volées, 1,4 milliard d’euros… Ils pourraient nous permettre d’accéder au crédit du système financier international auquel tous les États du monde ont accès… Et voyez que le Venezuela est un bon payeur… Dans les cinq premières années de mon gouvernement, nous avons payé plus de 70 milliards de dollars… Eh bien, malgré notre condition de bons payeurs, on refuse au Venezuela l’accès au crédit international, on persécute et on ferme des comptes bancaires de manière illégale, abusive, illégitime, injuste…

IR : Tout au long de 2018, certains médias internationaux ont diffusé des images de Vénézuéliens « fuyant » leur pays en raison du prétendu « effondrement économique » et de la « crise humanitaire ». On a parlé de « millions d’émigrants ». Que pensez-vous de ces phénomènes ?

Nicolás Maduro : Ces phénomènes, comme vous l’observez vous-même, ont été construits, en partie, sur la base de « fausses informations », de « vérités alternatives » et d’autres désinformations fabriquées avec la complicité active de divers conglomérats médiatiques.

Sur une base minimale de réalité – ce que personne ne nie, Ramonet – des écrivains habiles ont préparé une histoire anti-Chávez pour les foules. Il s’agit d’une gigantesque opération « faux positif » coordonnée par les champions du monde du « faux positif », c’est-à-dire le gouvernement colombien, accompagné par quelques pays satellites de l’impérialisme américain.

C’est une histoire très triste. C’est tellement embarrassant. D’une part, ces illusionnistes ont escroqué un groupe de Vénézuéliens dont le nombre – j’en profite pour le dénoncer – n’a jamais atteint, même de loin, les chiffres que les grands médias répètent faussement mille fois. Nous, j’insiste, ne nions pas qu’un groupe de Vénézuéliens ait quitté le pays en croyant cette information trompeuse de « meilleures conditions de vie et de travail ».

C’était un groupe atypique, pour ainsi dire, parce que ceux qui partaient le faisaient avec de l’argent : certains, dix mille dollars ; d’autres, vingt mille dollars, ou même plus… Et ils allaient au Pérou, en Colombie, en Équateur, au Chili… et là ils trouvaient la réalité brutale du capitalisme sauvage, de la xénophobie, de la haine raciale… Beaucoup étaient dépouillés de leur argent, beaucoup étaient maltraités, harcelés et soumis au travail forcé…

En même temps, les propagandistes élaboraient le dossier mensonger des « migrations massives » et de la « crise humanitaire ». Affirmant des choses franchement absurdes, des mensonges flagrants… Par exemple, ils ont répété qu’un million de Vénézuéliens entraient chaque mois en Équateur… J’ai fait un petit exercice arithmétique, Ramonet : Savez-vous combien de bus sont nécessaires quotidiennement pour transporter autant de personnes en Équateur ? 800 voyages par jour ! Vous pouvez imaginer huit cents bus entrant chaque jour à Quito… Où sont ces photos montrant un million de personnes ? Tout le monde a vu les milliers de migrants en provenance du Honduras qui se dirigent vers les États-Unis. Nous avons tous vu qu’il s’agissait d’une ligne immense… Et pourtant, ce n’était guère quelque chose comme huit ou neuf mille personnes… Pouvez-vous imaginer une ligne de cent mille migrants ? Une ligne de huit cents bus – par jour ! – qui déferlent dans les rues de Quito ?

Mais c’est précisément le but des « faux positifs » et des « fausses informations » : semer le mensonge pour qu’il l’emporte sur le raisonnement et la vérité.

De plus, le gouvernement colombien et son président, Ivan Duque, tentent de soutirer de l’argent de l’opération… C’est incroyable, n’est-ce pas ? Il y a encore ceux qui se demandent, au Congrès américain, ce que le gouvernement colombien a fait avec les 72 milliards de dollars que Washington leur a donnés pour « la lutte contre la drogue »… Qu’ont-ils fait avec ces milliards ? Je peux vous le dire avec certitude : ils ont été volés.

La Colombie reste le premier producteur mondial de cocaïne et les cultures illicites ont augmenté. Il est incroyable que le Président Duque cherche à frauder la communauté internationale et le système multilatéral avec les mensonges qu’il a lui-même inventés. Il pourrait commencer à s’occuper, par exemple, de ses propres citoyens, les Colombiens, qui, un peu plus d’une centaine de jours après son investiture, le renient déjà largement.

Saviez-vous qu’ici, dans notre pays, nous avons accueilli quelque six millions de sœurs et de frères de Colombie ? Ils représentent 12% de la population colombienne, mais ils vivent au Venezuela ! Et ici, nous leur avons donné la sécurité, le travail, la nourriture, l’éducation, les soins médicaux gratuits et, surtout, la paix, nous avons garanti leur droit à une vie digne. Il ne nous est jamais venu à l’esprit de demander à qui que ce soit un sou pour s’occuper des millions de frères colombiens, péruviens, équatoriens, chiliens, brésiliens, espagnols, portugais, italiens et libanais qui sont arrivés dans ce pays vénézuélien. Ici, nous les recevons à bras ouverts.

Enfin, toutes ces foutaises sur la « migration de masse » sont déjà oubliées… Les masques sont tombés… Et quelque chose de plus inhabituel est arrivé… Je ne me souviens pas que ce soit arrivé ailleurs : au milieu de l’année 2018, de grands rassemblements de nos compatriotes ont commencé à avoir lieu devant nos ambassades et consulats au Pérou, en Équateur, au Brésil, en Colombie et ailleurs. Des compatriotes réclamant à grands cris le retour au Venezuela. Marre du racisme, de la xénophobie, des escroqueries, de la précarité, de la mauvaise vie, du travail forcé….

C’est alors que nous avons imaginé le plan « Retour à la patrie »… Plus de vingt mille Vénézuéliens sont déjà revenus. Et nous continuerons à faciliter le retour de tous ceux qui le souhaitent. Ici, nous les attendons pour continuer à construire ensemble notre belle patrie.

IR : Plusieurs gouvernements latino-américains, de gauche et de droite, ont récemment été accusés d’être impliqués dans d’importants stratagèmes de corruption liés en particulier à « l’affaire Odebrecht ». Selon vous, quel serait le niveau de corruption au Venezuela et quelles mesures votre gouvernement a-t-il prises pour lutter contre cette corruption ?

Nicolás Maduro : Écoutez bien ce que je vais vous dire, Ramonet : dans l’histoire du Venezuela, il n’existe pas de processus et de gouvernement qui ait combattu la corruption, dans son caractère structurel, avec plus de rigueur que la Révolution Bolivarienne et les gouvernements de Hugo Chávez et moi-même. Je n’ignore pas que l’un des fronts d’attaque de nos adversaires contre nous est de nous accuser de laxisme en matière de corruption. C’est absolument faux.

Je dénonce la corruption dans pratiquement tous mes discours. Je suis le premier à reconnaître qu’il y a beaucoup de corruption, qu’il y a beaucoup de bandits dans la fonction publique, qui volent, escroquent et profitent des gens. Je l’ai dénoncé avec la plus grande sévérité encore récemment, le 20 décembre dernier, au Congrès Bolivarien des Peuples, où j’ai proposé la création d’un plan de lutte contre la corruption et le bureaucratisme. Ce qui n’avait jamais été fait au Venezuela.

Mais ce ne sont pas que des mots ou des discours, Ramonet. Nous avons entrepris, avec les outils de la justice et de l’État, une véritable croisade contre la corruption et l’indolence. Et nous avons réussi à faire en sorte que le ministère public poursuive et emprisonne des dizaines et des dizaines de hauts fonctionnaires et de hauts représentants d’entreprises privées qui ont désobéi à leur serment de loyauté, d’honnêteté et violé les lois de la République. Pour ne citer que le secteur pétrolier, par exemple, plus de quarante cadres supérieurs de PDVSA et de Citgo (Citgo Petroleum Corporation) sont en prison pour actes de corruption contre la République. Et même un ancien président de PDVSA fuit la justice pour de très graves actes de corruption.

Je doute donc qu’il y ait un gouvernement dans le monde qui affronte la corruption avec plus d’énergie et de détermination que nous. En fait, d’ici 2019, j’ai défini trois lignes d’action fondamentales de la révolution et de mon gouvernement dans son nouveau départ. A savoir, en premier lieu, le maintien de la paix de la République, dans le strict respect de la lettre constitutionnelle et dans la protection de la tranquillité face aux menaces internes ou externes. Deuxièmement, la consolidation du Programme de relance économique pour finalement vaincre, au premier semestre de 2019, l’inflation criminelle induite et renforcer l’appareil productif de notre pays.

Et troisièmement : une lutte inlassable contre l’indolence, la négligence, la paresse et, surtout, la corruption. J’ai demandé aux gens tout leur soutien dans cette croisade. Et je compte sur votre encouragement et votre collaboration pour m’accompagner. C’est une cause éminemment populaire, profondément soutenue par la population. Les gens savent que la corruption est leur ennemi, un ennemi dans l’ombre et un ennemi de la révolution. Nous allons l’éradiquer. On va s’en sortir. Vous serez témoin. Nous vaincrons l’indolence des fonctionnaires qui ne se conforment pas à la loi. Et nous approfondirons la lutte contre la corruption. D’où qu’elle vienne.

IR : Abordons maintenant, pour finir, quelques questions internationales.

Au cours des six dernières années, dans plusieurs pays d’Amérique Latine, nous avons assisté à la résurgence de la droite néolibérale. Selon vous, cette montée des forces conservatrices – confirmée par la récente victoire de Jair Bolsonaro au Brésil – est-elle une tendance durable ou s’agit-il d’une crise passagère ?

Nicolás Maduro : Eh bien, l’Amérique Latine est un territoire contesté, et sur la base de la Doctrine Monroe, reprise par l’actuelle administration américaine, il y a eu une offensive brutale ces dernières années contre les mouvements populaires, contre les directions alternatives qui, depuis les années 1990, ont confronté et démantelé le néolibéralisme en Amérique Latine. Rappelons-nous, par exemple, le Président brésilien Lula da Silva, l’ancienne présidente argentine Cristina Fernández et d’autres dirigeants. Il y a eu une persécution contre ces dirigeants qui a favorisé l’émergence de gouvernements et de leaderships très poussés vers la droite, vers l’extrême droite.

Il est vrai qu’il y a eu, comme un cycle régressif de conquêtes sociales, des progrès qui ont été obtenus avec des directions progressistes d’une grande diversité. Nous le ressentons non seulement dans l’impact de ces politiques sur la population, mais aussi dans les processus de privatisation. Au Brésil, par exemple, après avoir renversé Dilma Rousseff, le pétrole a été privatisé, les services publics, l’électricité, l’eau, etc. ont été privatisés. Ils ont tout privatisé du jour au lendemain. Et maintenant, avec l’arrivée au pouvoir du gouvernement néo-fasciste d’extrême droite de Jair Bolsonaro, ils livrent pratiquement sur un plateau d’argent ce que le Brésil représente en Amérique du Sud, en Amérique Latine, aux multinationales américaines. C’est vraiment un triste processus de régression.

IR : Dans cette même perspective, je voudrais vous demander, après l’élection récente d’Andrés Manuel López Obrador à la présidence du Mexique, si vous constatez également qu’il existe une possibilité de retour au pouvoir des forces populaires en Amérique latine.

Nicolás Maduro : En fait, du point de vue de ce que je vous disais, je dois ajouter que tout processus de régression pousse et stimule – à son insu – les forces internes qui la combattent. Selon le principe physique de l’action contre la réaction. En conséquence, nous constatons qu’à côté de cette grande régression actuelle, dans plusieurs pays gouvernés aujourd’hui par des équipes néolibérales, la capacité d’action des mouvements populaires et sociaux dans les quartiers, dans les campagnes et dans les villes se renforce. Mouvements urbains des sans-abri, mouvements paysans des sans-terre, mouvements étudiants, mouvements universitaires, mouvements féministes, mouvements de descendants africains, de diversité sexuelle, etc.

Il y a une forte résurgence qui me rappelle la renaissance des formidables mouvements populaires auxquels la ZLEA (Zone de Libre-Échange des Amériques) a été confrontée dans les années 1990. Ces mouvements de résistance n’avaient alors aucune chance d’accéder au pouvoir politique. Mais au Venezuela, la Révolution Bolivarienne a émergé. Et puis, cette victoire du Commandant Hugo Chávez a convaincu les mouvements de résistance contre la ZLEA que la conquête du pouvoir politique était possible. C’était au Venezuela en 1998, puis lors du référendum constitutif de 1999.

Ces deux victoires ont particulièrement encouragé les luttes sociales en Amérique Latine. Les gouvernements populaires de Lula au Brésil, Néstor Kirchner en Argentine, Fernando Lugo au Paraguay, le Front Amplio en Uruguay, Rafael Correa en Équateur, Evo Morales en Bolivie, le Front Sandiniste et le Commandant Daniel Ortega au Nicaragua, Michelle Bachelet et la Concertation des Partis de la Démocratie au Chili, Manuel Zelaya au Honduras, Salvador Sánchez Cerén et le FMLN (Front Farabundo Martí de Liberación Nacional) au Salvador.

Tout cela, disons, le rayonnement des forces populaires a permis à l’Amérique Latine et aux Caraïbes de jouer, en ce début du XXIe siècle, un rôle prépondérant dans le scénario géopolitique de la gauche mondiale. Aujourd’hui, paradoxalement, la situation est similaire. Il y a eu quelques revers dus, parfois, à des attaques et à des coups d’État de la part d’adversaires du progrès et de la justice sociale. Mais les forces populaires, à travers notre continent, sont déjà de retour dans l’ordre de bataille. Et de nouveaux succès électoraux démocratiques ne tarderont pas à venir.

IR : Récemment, vous avez effectué deux visites importantes auprès de deux partenaires clés au Venezuela. Quelles conclusions tirez-vous de ces voyages en Chine et en Russie, deux des principales superpuissances mondiales et deux solides alliés de la Révolution Bolivarienne ?

Nicolás Maduro : Eh bien, dès le début de notre Révolution, le Commandant Hugo Chávez a fait un effort particulier pour consolider les relations de respect et d’amitié avec tous les peuples du monde, et pour former ce qu’il a appelé les « anneaux d’alliance stratégique » pour une planète différente de celle que nous imposent les pôles impériaux. Puis, avec sa prodigieuse créativité politique, et en complicité intime avec Fidel Castro, Chávez a favorisé la fondation de l’ALBA (Alliance Bolivarienne pour les Peuples de notre Amérique), l’UNASUR (Union des Nations Sud-américaines), Petrocaribe, TeleSur, la CELAC (Communauté des États d’Amérique latine et Caraïbes)… Pour concrétiser un large effort d’intégration latino-américaine.

Les relations de Caracas avec la Chine et la Russie, deux géants économiques et militaires, ont également été directement entretenues par Chávez et les dirigeants de ces puissances, jusqu’à la situation actuelle.

Je dois vous dire qu’avec Pékin et Moscou, plutôt qu’une relation de partenaires, nous avons une véritable relation de fraternité entre nos gouvernements et nos peuples. Il en va de même pour d’autres États du monde arabe, musulman, iranien, africain et extrême-oriental.

J’ai été chancelier de Chávez pendant plus de six ans et je suis un témoin direct de ses efforts pour construire un « monde multipolaire et pluricentrique ». Dans les moments actuels d’agression brutale de l’empire nord-américain et de ses satellites contre nous, nous percevons les fruits des relations que Chavez a su tisser et élaborer.

Permettez-moi de vous rappeler qu’en ce moment, le Venezuela préside le Mouvement des Pays Non Alignés (MNA), qui est le plus important groupe d’États de la planète après les Nations Unies. D’autre part, lorsque cet entretien sera publié, c’est-à-dire le 1er janvier 2019, nous assumerons la présidence de l’OPEP à Vienne. Et lors de mes récentes visites en Russie et en Chine, que vous avez citées, nous avons porté au plus haut niveau possible nos relations économiques, commerciales, politiques, militaires et culturelles avec deux des principales superpuissances mondiales.

Il existe également des liens d’amitié véritable avec la Turquie, entre le gouvernement du Président Erdogan et le mien, et même, je l’avoue, une véritable amitié personnelle entre le dirigeant turc et moi-même. Jamais auparavant le Venezuela n’avait eu un échange économique et commercial aussi important, aussi diversifié et favorable avec une grande puissance historique comme la Turquie.

Aujourd’hui, le Venezuela n’est pas seul. Au contraire, chaque jour, nos agresseurs paraissent de plus en plus isolés. Alors que nos relations avec le monde entier sont plus diversifiées et vigoureuses.

IR : Cette interview est publiée le 1er janvier 2019, jour de la célébration du 60e anniversaire du triomphe de la Révolution Cubaine, quelle importance cette révolution a-t-elle eu et continue d’avoir en Amérique Latine ?

Nicolás Maduro : La Révolution Cubaine a profondément marqué la seconde moitié du XXe siècle. Elle signifiait et signifie une référence fondamentale pour tous les peuples qui luttent pour la liberté, la dignité, la souveraineté, la justice et le socialisme. Plusieurs générations de révolutionnaires – la mienne sans doute – les jeunes des années 1960, 1970 et 1980 ont vu dans les actes de Fidel, Raúl, Camilo et Che, un phare qui a illuminé l’espoir au milieu de la longue nuit néocoloniale où notre continent américain était plongé pendant plus d’un siècle.

Ce petit pays qui a résisté à l’empire le plus brutal de l’histoire de l’humanité, a résisté et continue de résister aux agressions de son voisin du nord et de ses laquais. Un pays qui a réalisé ses rêves de rédemption, d’égalité, de solidarité et de construction héroïque du socialisme. Cela a poussé tant de jeunes à combattre dans la rue avec l’espoir retrouvé.

Une révolution qui a défendu et encouragé l’unité latino-américaine, ce grand rêve de Simón Bolívar et José Martí. Un rêve d’unité – sans jamais oublier Porto Rico ou les Malouines – que les oligarchies du continent craignent tant. Combien de vies les médecins cubains ont-ils sauvées dans le monde ?

Je célèbre ce 60e anniversaire de la Révolution Cubaine. Et je remercie la vie pour toutes les matinées que j’ai passé à converser avec Fidel, à écouter son verbe plein de sagesse, de réflexion, de recherche de l’idée qui lui permettrait de passer à l’action. Toujours faire le bien. Je remercie Hugo Chávez parce que, avec Fidel et Raúl, ils ont construit un nouveau départ dans la dignité pour tout notre continent.

IR : Le 4 décembre dernier marquait le vingtième anniversaire de la première victoire électorale du Commandant Hugo Chávez. En conclusion, j’aimerais vous poser la question suivante : si vous aviez l’occasion aujourd’hui de parler à Chávez de votre propre expérience de près de six ans au gouvernement, que lui diriez-vous ?

Nicolás Maduro : Il y a tant de fois, au milieu de la bataille, dans la réflexion matinale, après le voyage ardu, où je me suis posé cette question : « Qu’aurait fait Chávez ? » Heureusement, et j’en suis sûr, Chávez a établi avec nous, avec son équipe proche, un travail pédagogique permanent, un processus de formation sur les immenses difficultés qui existent dans la construction d’un processus révolutionnaire : ses défis, ses obstacles, ses imprévus… Les attaques, les menaces, les trahisons… Cela nous a instruit, nous a formé, nous a forgé.

Chávez avait prévu beaucoup des événements que nous vivons actuellement. Il nous a mis en garde. Les dernières préoccupations qu’il nous a transmises portaient sur ce qu’il envisageait comme étant la « guerre économique » – cette expression est la sienne – que l’ennemi allait mener contre nous. Un nouveau type d’agression, avec de multiples fronts, contre notre peuple. Il était profondément préoccupé par le déclin de la production pétrolière….

L’immense solitude que nous a laissé son passage est en quelque sorte compensée par tant de conseils qu’il nous a prodigués. Et que nous n’oublierons jamais. Autant d’exemples de fermeté et de fidélité aux idéaux bolivariens. Cette « belle révolution » dont il rêvait, avec démocratie et liberté, pour que l’analphabétisme disparaisse, que les arts et la culture se multiplient, qu’il y ait des soins pour tous, plein emploi, paix, joie, progrès, prospérité et amour. Quand je pense à toute la cruauté dont il a été victime pour avoir fait ce beau rêve… Comme aujourd’hui ils m’attaquent, avec encore plus de fureur, pour vouloir la même chose, pour vouloir faire le bien et répandre le bonheur…

C’est pour ça que je fais appel à Chavez presque tous les jours. J’en ai besoin, je le réclame et comme dans ce verset du poète Miguel Hernandez, je lui dis : « Nous devons parler de beaucoup de choses, compagnon de l’âme, camarade ».

Source :  Nicolás Maduro: “Washington y Bogotá mantienen una política permanente de terrorismo contra Venezuela”

traduit par Pascal, revu par Martha pour  Réseau International

 reseauinternational.net